Le teen movie peut-il être intelligent?

La Folle Journée de Ferris Bueller (1986): Le Teen-Movie peut il-être intelligent?
by Anass El Wardi - November 2017
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Unframed’s movie collection est une rubrique destinée à la rédaction d’articles sur des films qui ont changé notre vision du cinéma et que nous voulons vous faire partager. Des films qui viennent de tous temps et de tous les continents.
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Il y’a un lieu commun qui fait (et c’est assez rare pour le souligner) consensus entre critique cinéma et spectateurs: Le teen-movie est un sous-genre stupide, illégitime au sens Bourdieusien du terme et ne peux en aucun cas se hisser au rang d’un présupposé « vrai cinéma » qui rendrait correctement hommage au 7ème art (R. Canudo). Et ce n’est pas la scène burlesque d’un adolescent en crise de puberté ayant coincé sa verge dans l’orifice buccal d’une danseuse décédé du troisième age, que l’on retrouve dans American Pie 7 des frères Weitz, ou les répliques souvent peu clairvoyante du devenu-culte Mean Girl de Mark Waters qui nous convaincrons du contraire.
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Pourtant dans les années 80, une vague de réalisateur brillant s’adonne au genre, avec plus ou moins de succès, que ça soit Francis Ford Coppola, Gus Van Sent, John Landis ou encore Brian de Palma avec l’excellente comédie horrifique Carrie au Bal des Diables qui est d’une perspicacité rare quand à la représentation imagé des difficultés des changement induit par la puberté. Encore aujourd’hui des pépites se dévoilent sous la marée de production discutable et se démarque par leur ingéniosité que ça soit le remarquable « mind-fuck » de sciences-fiction qu’est Donnie Darko offrant un de ses premier rôles au brillant Jack Gyllhenaal ou le film indépendant Juno avec Ellen Page.

Outsiders (1983)
Alors plutôt que de m’adonner une simple critique qui exposerai mon avis sur ce film dont personne ne doute de la qualité, ce qui serait pas très fécond à moins que j’eusse une opinion radicalement nouvelle et opposé à la doxa majoritaire sur la question, je vais plutôt ancrer l’analyse de ce film dans une réflexion plus globale sur le genre du teen-movie en se demandant si le genre du teen-movie est fondamentalement incompatible avec une approche artistique intellectuel que requiert ce « vrai cinéma »?
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Le teen-movie comme reflet d’une jeunesse grandissante et désabusé
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Le teen-movie apparaît à la fin des années 50 pour plaire à une nouvelle catégorie bien à part de la population apparu avec le croisement du « baby-boom » et de la culture rock n roll impulsé par des artistes comme Elvis Presley. Les proto-teen movie s’attardant d’abord sur la culture rebelle avec des figures emblématiques comme James Dean ou Marlon Brando; il faudra attendre les années 70 pour que soit posé les bases du genre avec des films comme American Graffiti de George Lucas ou National Lampoon’s Animal House de John Landis qui auront pour unique objet la dépiction quasi-pictural et documentaire de la jeunesse américaine des ces années.
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Si l’on en croit la vision de Siegfried Krakaeur que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer dans de précédentes critiques , le cinéma est toujours la pour fixer de façon assez rimbaldienne l’ineffable de la société,on peut par ce medium « voir les dispositions profondes d’une nation ». Ainsi, à l’ère paradoxal ou le rite de passage à l’age adulte n’est plus formalisé et ou les jeunes issues du « baby-boom » forment une part conséquente de la population, le teen-movie apparaît comme nécessaire. Non seulement pour mettre ,littéralement, cette strate et ces problématiques sous le feux du projecteur mais aussi pour apporter une forme d’art compréhensive bienvenu à cette jeunesse en perdition.
La folle journée de Ferris Bueller s’inscrit donc en plein dans cette veine la, sorti en 1986 pendant l’age d’or du teen movie, et est le parfait exemple pour étudier la question pour deux raisons, d’abord eu égard de la filmographie de son réalisateur John Hughes mais aussi parce que c’est le mélange parfait du respect des codes et de leur dépassement.
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John Hughes: Un des maîtres incontestable du teen-movie
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Quand John Hughes commence la réalisation et l’écriture de Ferris Bueller, il n’en est pas à son premier coup d’essai. Le bonhomme s’est illustré comme un classique incontournable du teen-movie dans les années 80 tant en scénariste qu’en réalisateur.

American Graffiti (1977)
Fort de son passé d’auteur de sketch pour comédien, il sait à la perfection manier l’humour à l’écran comme à l’écrit, ce dernier venant aussi bien des dialogues que des comiques de répétitions, du jeux de montage efficace...
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Mais Hughes à aussi une approche assez documentaire et finalement les velléité comiques viennent en tant que moyen d’apporter une fresque efficace de la jeunesse américaine de son époque. De la même manière que le cubisme n’a été qu’un outil utilisé par Picasso pour dénoncer l’horreur du massacre de Guernica, ici les codes formel du teen movie et les fulgurances humoristique sont un simple intermédiaire à la peinture de ces vigoureux jeunot des années 80. Que ça soit dans Breakfeast Club ou Sixteen Candles for Sam il y’a toujours un propos sous-jacent à la frivolité intéressant à souligner. Alors comment mêle t-il ses deux aspects dans Ferris Bueller?
Le dépassement des codes du genre: Une réflexion à double-enjeux sur la jeunesse
Cancre invétéré, Ferris Bueller, convainc sa petite amie et son meilleur ami hypocondriaque (dont le père a une Ferrari) de sécher les cours pour aller passer la journée à Chicago. Pendant qu’ils font les 400 coups dans la grande ville, le proviseur et la soeur de Ferris tente, chacun de leurs côtés, de prouver aux parents que leur fils n’est pas l’enfant parfait qu’ils imaginent.
Le théoricien du cinéma John Cawelti explique que lorsqu’un genre est surexploité et tend à atteindre sa limite, il passe par quatre étapes essentielles pour se renouveler artistiquement et apporter des thématiques nouvelles : l’humour, la nostalgie, la déconstruction des codes puis la reconstruction autour de nouvelle choses. Ferris Bueller combine toute ces étapes, il parvient en même temps à rire de son propre genre avec des scène très bien travaillé, d’avoir une nostalgie des origines du cinéma de genre que ça soit en parodiant les films de Slasher lorsque le directeur veut rentrer dans la maison, le film d’espionnage ou même la sciences fiction avec cette référence très bien placé et bienvenu à Star Wars avec cette Ferrari volant sur Chicago pour rappeler le pionnier du genre, George Lucas. Mais cette nostalgie est toujours désamorcé, déconstruite pour des raisons que nous évoquerons plus bas.
La reconstruction de Hughes se ressent aussi dans l’introduction audacieuse d’éléments plus surprenant, le plus important étant bien-sur le fais que Ferris brise régulièrement le quatrième mur pour s’adresser directement à nous, par exemple en nous expliquant les meilleurs techniques pour feindre une maladie et faire l’école buissonnière. Et dans un genre ou c’est l’analyse de la jeunesse qui importe, cette addition est ingénieuse puisqu’elle permet de se plonger profondément dans la psycho de Ferris, avec certaines de ses répliques on comprend sa vision de son petit monde, et il agit en tant qu’alter-ego d’un groupe plus large qu’est la jeunesse.
Tout ceci sert un propos précis, en dépassant les codes du teen-movie Hughes signale que ces derniers tout comme les adultes dans ce film sont dépasse et plus aptes à saisir les motivations de cette nouvelle jeunesse. Tout les adultes dans ce film sont soit satirique soit complètement fantomatique, inconscient des réalités qui sont pourtant sous leur yeux. L’humour ici tire finalement un constat assez sombre, que ça soit l’école ou les autorités parentales, il y’a une incompréhension majeur entre adolescence et age adulte.

Alphaville: Une étrange aventure de Lemmy Caution de Jean-Luc Godard (1965) – Quand cinéma de genre et film d’auteur se confondent (pour mon plus grand bonheur
Finalement cette analyse nous ramène au débat plus large constant fomentant cette dichotomie entre cinéma de genre et cinéma d’auteur, le premier étant regardé comme un divertissement à peine satisfaisant destiné a une jeunesse décadente décervelé et le second comme le « vrai » art du cinéma en perdition.
La folle journée de Ferris Bueller nous fait douter de cette opposition facile. C’est une comédie genré qui malgré des apparences légère à un propos analytique des plus pertinent, mais le génie de John Hughes réside dans le fait que s’il dévoile toute un pan de la société par son approche documentaire il offre par la même occasion un exutoire aspirant à cette jeunesse qui va se sentir conforter et comprise par l’oeuvre. Le film de genre peux donc dépasser ou utiliser ses propres codes pour proposer une réflexion digne du meilleur des films d’auteurs. N’en deplaisse au critiques au cahier du cinéma.