
POUR SAMA
Waad al-Kateab & Edward Watts
by Emma Lezier & Christophe Poulin - October 2019
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Pour un ciel bleu dépourvu d'obus
Réalisé par Waad al-Kateab et Edward Watts, Pour Sama est le produit sélectionné de 500 heures d’archives essentiellement filmées par Waad al-Kateab elle-même en temps réel du développement de la crise. Témoignage poignant d’une famille syrienne lors du siège d’Alep de juillet à décembre 2016, cette oeuvre est à la fois éprouvante émotionnellement et porte à la réflexion, particulièrement pour les occidentaux. En effet, les images tragiques d’enfants blessés et morts suite aux bombardements du régime de Bashar al-Assad appuyé par l’armée russe sont juxtaposées aux scènes heureuses de mariage et de naissance, notamment celle de Sama, fille de Waad, à laquelle ce film est dédié. Ce contraste évident reflète la résilience de l’être humain à s’adapter et sa volonté de continuer à se battre pour vivre une vie “normale” malgré les atrocités commises chaque jour autour de lui. De plus, cette disparité entre les scènes porte à garder une lueur d’espoir en dépit du combat quotidien pour la liberté menées par les syriens jusqu’à ce jour. L’entièreté de la projection semble être particulièrement concentré sur les enfants, premières victimes innocentes des guerres menés par les hommes. Les mots d’un infirmier en larmes après l’éclatement d’un obus en font preuve: “les enfants n’ont rien à voir avec cela ”. Plusieurs scènes du film prennent directement place dans l'hôpital au coeur du territoire contrôlé par les opposants d’Assad à l’est d’Alep où le mari de Waad, Hamza, est directeur. En seulement 20 jours de décembre 2016, il y eut plus de 890 opérations et 6000 blessés à cet hôpital et le tout, sous la pluie des missiles sans aide extérieure ni eau courante.
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Par conséquent, la brutalité et la barbarie de la guerre civile sont aussi au premier plan de ce film. Le but de cette oeuvre est d’aussi de dénoncer l’inaction des gouvernements occidentaux face au massacre des citoyens syriens par leur propre gouvernement. En effet, la destruction et le bain de sang qu’Assad a créé afin de conserver pouvoir peuvent potentiellement être reproduit par n’importe quel régime autoritaire s’il n’y a pas intervention concrète de la part des démocraties libérales et des grandes organisations multilatérales. Edward, suite à la projection, a comparé le conflit syrien à la guerre civile en Espagne au XXème siècle. En effet, elle n’a pas été condamnée par les démocraties occidentales et personne n’a aidé la population à se soustraire d’un régime fasciste. Ainsi, non seulement l’Espagne a mis du temps à recouvrir de ses blessures internes, mais de plus graves conséquences d’envergure globale ont eu lieu ultérieurement. Il ne faut pas que la Syrie d’Assad devienne l’Espagne de Franco, au péril de la paix mondiale.
À la fin de la représentation, Waad Al-Kateab et Edward Watts ont répondu aux questions du public. Une étudiante s’est demandé ce qu’on pouvait faire ou dire à nos gouvernements pour que quelque chose s’améliore, qu’ils agissent. Waad nous a répondu qu’ils essayaient de mettre en plus une organisation internationale permettant de protéger les hôpitaux dans le pays. Comme ils le soulignent dans le documentaire, les forces armées attaquent les lieux de santé pour réduire à néant le moral de la population et leurs derniers espoirs. À la fin du mois d’octobre, un site internet appelé “Action For Sama” sera lancé. Il regroupera notamment toutes les actions que l’on peut mettre en place afin d’aider, à notre hauteur, les habitants et amplifier la portée internationale du conflit. Edward a aussi ajouté qu’il ne fallait jamais lâcher, qu’il fallait toujours parler du conflit syrien même si on a l’impression que le sujet est redondant. Il faut porter la voix des victimes.