

INTERVIEW CROISÉE
OLIVIER BROCHE
HERVE BOUGON
by Emma Lezier et Christophe Poulin - October 2019
Emma Lezier et Christophe Poulin ont interviewé Olivier Broche et Hervé Bougon, les programmateurs du festival War On Screen.
Vous êtes parisien d’origine et comédien de profession. Depuis 2009, vous êtes conseiller artistique pour la salle de cinéma d’art et d’essai de la Scène Nationale de la Comète, ici, à Châlons.
O.B: Oui c’est-à-dire qu’il n’y avait pas de cinéma avant mon arrivée ici. Il y avait la grande salle et cette petite salle de La Comète qui était un lieu de théâtre, etc. Philippe Bachman m’a ensuite demandé de l’aider afin de voir si on pouvait la transformer en salle de cinéma. En tant que comédien j’ai contribué, un peu de loin puisque j’habite Paris, afin que cette salle ne devienne la salle de cinéma du centre-ville de Châlons-en-Champagne.
Vous êtes programmateur du festival War on Screen depuis sa première édition en 2013, quelle est votre principale source d’inspiration pour votre travail, c’est-à-dire qu’est-ce qui vous rattache au festival WoS depuis 7 ans?
O.B : Effectivement, Philippe Bachman a eu l’idée du festival et il m’a demandé, à la suite du travail que nous avions déjà fourni ensemble sur la salle de cinéma, si je pouvais l’aider à rencontrer des gens dans l’industrie, tel que Tavernier, Francis Kuntz, etc. Depuis sept ans, mon travail est à la fois de choisir et de lui proposer des films pour les rétrospectives et de sélectionner des courts métrages récents. Ces courts métrages sont ensuite présentés sur deux séances devant un jury lycéen.
Ce qui me rattache au festival c’est avant tout ma propre cinéphilie, qui a commencé pour moi à l’âge de 17 ans. Comme tout cinéphile qui se respecte, je vois évidemment beaucoup de films donc j’ai dans ma tête une histoire du cinéma, des metteurs en scène, etc. Mon travail ici est à la fois un travail de connaissances et d’intuitions. WoS porte sur le thème de la guerre dans un sens large, c’est-à-dire non pas des films militaires, comme on pourrait le croire, mais des films qui sont traversés par la guerre dans les personnages et leurs comportements conditionnés par celle-ci. Le film peut donc prendre place avant, pendant et après le conflit. Il peut y avoir des films de science-fiction, des documentaires, des comédies, des comédies musicales, des drames et même des films policiers.
Comment qualifieriez vous l’évolution du festival depuis sa création en 2013 ?
O.B : Effectivement il y a plus d’entrées qu’au début, la première saison était particulièrement faible à 5000 mais ça a vite augmenté jusqu'à 18 000 à peu près l’année dernière. Les étudiants sont de plus en plus nombreux aussi, avec une espèce d’internationalisation. On a bien évolué aussi au niveau des jurés : avant on voulait des membres qui aient un lien d’une manière ou d’une autre à la guerre. Mais maintenant on assume mieux la thématique en se disant que tout le monde peut l’apprécier ou la juger indifféremment de l’intérêt même pour ce sujet que chacun peut porter. C’est comme si on se faisait plus confiance.
Comment choisissez-vous les sous-thèmes présents au festival ? Ont-ils un rapport avec l’actualité seulement ou êtes-vous influencés par d’autres facteurs ?
O.B : Philippe a voulu aborder la question de la frontière cette année. On essaye toujours de faire en sort de lier soit à l’actualité soit au programme scolaire tout simplement. L’année dernière, on a fait un focus sur l’exil, thème toujours très présent. L’Irlande par exemple c’est très d’actualité, le conflit à la frontière entre le Nord et le Sud peut renaître. Mais il y a encore tellement de conflits que l’on a pas abordé (guerres antiques, peplum, guerres de sécession…). Après, on aime bien avoir une diversité géographique pour chaque focus, ce qui peut être compliqué pour les péplums par exemple.
Comment fait-on la sélection ?
O.B : Pour les courts métrages, je vais au festival de Clermont-Ferrand, on va au marché où il y a à peu près tous les films que les gens déposent. J’utilise un lexique de mots en français et en anglais, j’en ai une trentaine, et ça me sort environ 300 courts métrages. On commence maintenant, au bout de 6-7 ans, à nous en envoyer. Je montre tous ces films-là à Philippe au mois de juin, on les revoit ensemble et on se met d’accord sur deux séances d’une heure et demi.
H.B : Pour les longs métrages, c’est un peu différent du travail d’Olivier : les films de la compétitions sont des films inédits qui ne sont pas encore sortis en salle et qui ne sortiront peut-être jamais. C’est un travail assez long, ça dure à peu près 6 mois et ça commence en février au festival de Berlin. il y a plusieurs canaux possibles pour trouver des films.
Le premier, le plus important, est le marché des films, donc on se rend chaque année à Berlin et à Cannes où les vendeurs internationaux viennent proposer leur line up, leur catalogue. On épluche tout ça et on obtient un corpus on va dire d’environ 30-40 voire 80 films. On essaye d’être le plus exhaustif possible dans la pré-sélection pour ne pas passer à côté d’un film.
Le deuxième est les festivals de taille plus petite. On ne s’y rend pas à chaque fois mais on épluche toutes les sélections. On en reçoit aussi certains mais il s’agit surtout d’un travail de fourmi pour trouver aussi des films qui ne sont pas encore sortis en festival.
Il y aussi certaines contraintes, si le film sort avant, si les distributeurs nous les refusent ou la volonté d’avoir une certaine diversité géographique mais aussi au niveau des conflits ou des points de vue.
Votre coup de coeur ?
O.B : On ne peut pas répondre pour la compétition, mais parmi ceux sur le Mexique/États-Unis, le plus grand film est La Horde Sauvage [NB : ven 4 à 13h30]. Parmi l’Irlande, je choisirais le plus fort, Hunger ou Bloody Sunday, et parmi ceux sur 1919-1939 j’en ai beaucoup que j’adore, le plus fort c’est peut-être Le Conformiste [NB : ven 4 à 9h30].
H.B : Je suis assez fan de cinéma américain des années 60-70 donc La Horde Sauvage, je vous invite à aller le voir, c’est un chef d’oeuvre de western ; après si je peux vous en donner un autre c’est Test of Cement [NB : ven 4 à 18h30].